Nous avons grandi avec M. Chirac, par Charles Wright
Il est en revanche possible, dès à présent, de dresser un constat : quelles que soit nos adhésions, nos croyances, nos appartenances, nous qui sommes nés aux alentours des années 1980 avons grandi avec Jacques Chirac.
Sa figure, sa gestuelle, sa jovialité, ses postures, ses caricatures font partie intégrante de notre paysage sensible. L'éveil de nos consciences coïncide avec son accession à la présidence de la République. Nos premiers émois, nos premiers apprentissages ont été rythmés par ses interventions télévisées, par ses prises de position, que celles-ci aient engendré satisfaction ou désillusion.
Alors que nous subissons avec angoisse les conséquences d'une modification profonde des structures de notre civilisation, Jacques Chirac aura joué comme il a pu, pour notre génération, le rôle d'autorité morale, de boussole, à l'orientation aussi incertaine que le sont les évolutions du monde contemporain. Il a accompagné, indirectement, les vicissitudes de nos existences d'adolescent(e)s puis de jeunes adultes, il a ponctué de sa présence les temps forts de la Nation, vibrant avec le pays dans les moments heureux, absorbant ses souffrances, dans une conception compassionnelle de la vie publique qui est sa marque de fabrique.
C'est pourquoi, quel que soit le regard que nous portons, à titre personnel, sur l'action du chef de l'Etat, notre génération se sentira immanquablement, en mai 2007, orpheline et dépossédée.
source: Le Monde