D. de Villepin déjà « coupable » pour Sarkozy: « C'est volontaire »

Publié le par P.A.


Jean-Pierre Grand (UMP) déplore

La présomption d'innocence, Nicolas Sarkozy s'en moque lorsqu'il s'agit de Dominique de Villepin. Ce qui lui vaudra d'être attaqué par ce dernier à l'issue de son mandat. Interrogé par TF1 et France 2 mercredi soir sur le procès Clearstream, le Président a en effet oublié son rôle de « garant de l'indépendance de la justice » et lâché :


« Après deux ans d'enquête, deux juges indépendants ont décidé que les coupables devaient être traduits devant le tribunal correctionnel. »

 

Ni Laurence Ferrari, ni David Pujadas ne relèvent. Le chef de l'Etat assure qu'il ne renoncera pas à sa plainte, comme l'ont réclamé les avocats de Dominique de Villepin : « Je ne suis pas un homme qui renonce et qui plaisante avec les principes d'honneur et de probité. » Et après un sourire : « Que la justice fasse son travail sereinement, elle est en train de le faire. »

Ce « lapsus » a immédiatement fait bondir les avocats de Dominique de Villepin qui ont annoncé une plainte contre le chef de l'Etat pour « atteinte à la présomption d'innocence ».

Henri Leclerc, avocat de l'ex-Premier ministre, a confirmé qu'une assignation civile contre le Président serait officiellement déposée devant le tribunal de grande instance de Paris.


« Je pense que c'est volontaire. Le président de la République ne parle pas pour ne rien dire. Il s'agissait d'un entretien, depuis l'ONU, d'une déclaration solennelle.
C'est une intervention publique du Président, sur une procédure en cours dans laquelle il est est partie civile, qualifiant Dominique de Villepin de coupable ! Et le tout depuis l'ONU ! Ce n'est pas un ordinaire ! Et ça peut presque se passer de commentaires tant ce n'est pas ordinaire ! » 

Mercredi, en plein procès, Olivier Metzner, avocat de Dominique de Villepin, s'est également scandalisé :

« C'est cela le respect de votre tribunal ? De votre parquet ? C'est cela qu'un président de la République donne comme spectacle à la France de la Justice ? La présomption d'innocence est un droit fondamental. Et le président de la République la bafoue en direct devant des millions de Français ! On a déjà voulu pendre Dominique de Villepin à un “croc de boucher”. Maintenant, on le dit déjà coupable ! »


Réactions politiques quasi unanimes:

Le patron des sénateurs UMP, Gérard Longuet, prend très nettement ses distances avec Nicolas Sarkozy, jeudi 24 septembre, après l'utilisation par ce dernier du mot "coupables" dans l'affaire Clearstream.
"Sur le terrain judiciaire, je suis d'une extrême prudence car je considère que chacun est présumé innocent tant qu'il n'est pas définitivement condamné", a lancé Gérard Longuet. "Il faut être d'une extrême prudence sur ce sujet. Donc moins on dit, mieux on se porte", a-t-il conseillé au chef de l'Etat.


De son côté, la députée UMP Marie-Anne Montchamp estime que Nicolas Sarkozy doit "revenir" sur le mot "coupables".
"J'espère de tout mon coeur que c'est un lapsus. Mais sur ce genre de sujets, les lapsus ne sont pas possibles", a-t-elle déclaré. Cependant, "à un tel niveau de l'Etat, il ne peut pas y avoir de lapsus", a lâché la députée du Val-de-Marne.
"J'espère que le président de la République va revenir là-dessus. C'est incompatible avec sa fonction", a-t-elle ajouté en rappelant que Nicolas Sarkozy lui-même avait estimé mercredi qu'il fallait s'excuser après une "maladresse", en évoquant l'affaire Hortefeux.


Fidèles des fidèles, le député de l'Hérault Jean-Pierre Grand a déclaré qu'il ne croyait pas à un "lapsus": "Nicolas Sarkozy a une maîtrise hors du commun du verbe, et je ne pense pas qu'il puisse s'égarer aussi facilement", a expliqué ce proche de l'ex-Premier ministre à quelques  journalistes.  "En parlant de coupables, il a renouvelé sa feuille de route à la justice", avait déclaré un peu plus tôt le député de l'Hérault. "On sent l'ambiance, le pouvoir est très prégnant dans cette affaire, dans le prétoire, et ça heurte mes convictions républicaines".


"Quand on est avocat, on sait faire la différence entre prévenu et coupable", a renchéri Jacques Le Guen, "profondément surpris par la prise de position du président de la République sur une affaire qui est en cours".  "Ce qui me surprend, a-t-il dit, c'est que le procureur (de Paris Jean-Claude Marin) avait eu la même phrase il y a quelques semaines à la radio". En outre, les propos de Nicolas Sarkozy "étaient enregistrés", a-t-il fait valoir. S'il avait voulu ensuite  changer sa phrase, il l'aurait fait", a ajouté le député du Finistère.


Son collègue de la Drôme, Hervé Mariton a estimé pour sa part que les propos de Nicolas Sarkozy montrent la "subjectivité d'une partie à un procès qui serait banale pour un Français banal. Mais Nicolas Sarkozy n'est pas un citoyen ordinaire, a-t-il expliqué. Et ce qui est compréhensible pour M. Dupont ne l'est plus pour un président de la République".

Pour Martine Aubry, la patronne du PS, il est «très grave qu'un président de la République, chargé de faire respecter la justice dans notre pays, qui est président du Conseil supérieur de la magistrature et qui est chargé d'appliquer la présomption d'innocence, puisse s'exprimer ainsi». Selon la première secrétaire du PS, «c'est à l'évidence un lapsus mais un lapsus révélateur d'une affaire d'Etat UMP qui entraîne des haines considérables».


François Hollande
estime pour sa part que «le lapsus est fâcheux, parce que Nicolas Sarkozy, président de la République, a autorité sur les parquets, les procureurs. Donc il a été victime de ce qu'il a fait lui-même. En étant partie prenante de ce procès, il entretient une confusion qui se retourne contre lui».


Pour le président du Modem, François Bayrou, l'épisode met en lumière la position du président qu'il juge problématique. «Freud aurait dit que c'était un lapsus révélateur, révélateur de l'ambiguïté de la position qui est celle de Nicolas Sarkozy dans cette affaire», explique-t-il.


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Gérard Longuet rappelle le précédent de l'affaire Broglie : "J'ai un long souvenir, notamment de Michel Poniatowski, ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur qui avait été menacé d'être renvoyé en Haute cour de justice pour avoir, en effet, présenté des prévenus pour des coupables".
Le prince Jean de Broglie, homme politique, avait été assassiné en 1976. Patrick de Ribemont avait été mis hors de cause après avoir été publiquement présenté comme "coupable" par Michel Poniatowski, ministre de Valéry Giscard d'Estaing. Patrick de Ribemont a fait condamner la France par la Cour européenne des droits de l'homme en 1995 et 1996.


Sources: Rue89 | Nouvelobs | Midi Libre | Le Figaro


Publié dans Clearstream

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