Sarkozy vulgaire président ou président vulgaire ?

Publié le par P.A.

La « nouvelle présidence » tant annoncée n'est pas au rendez-vous, et les Français commencent à s'en rendre compte. A moins que l'indécence, le fouillis politique et la fuite en avant ne soient des principes de gouvernement...
 
La chute du président de la République dans les sondages se confirme, de même que la relative stabilisation du premier Ministre, qui se maintient de peu devant Nicolas Sarkozy. Dans ce changement qui s'opère au bout de huit mois, et qui sera peut-être durable, il y a l'évidente leçon que dans le rapport de force au plus haut sommet de l'Etat, l'agitation vibrionesque – on touche à tout pour n'avoir à s'occuper profondément de rien – semble pâlir devant le sérieux méthodique.
Ce ne serait pas une nouvelle bouleversante si elle ne mettait en lumière une nouveauté par rapport aux appréciations habituelles sur les comportements présidentiels. En effet, Nicolas Sarkozy s'est trouvé au pinacle, durant l'état de grâce, grâce à ses engagements que le temps n'avait pas encore permis de démentir. Le déclin ne tient pas seulement à cette déception que j'allais qualifier de presque inévitable en politique, quand le réel met en pièces les fanfaronnades du candidat. Il a sans doute une cause plus complexe qui se rapporte moins à l'action ou à l'inaction du président qu'à la nature même de celui-ci.
Il n'est pas évident que le retour si peu spontané de Nicolas Sarkozy dans la vie austère et revendicatrice de ses concitoyens suffise à reconquérir une opinion qui paraît désenchantée. Sortie d'un enchantement, d'une illusion d'autant plus vivement ressentis que, peut-être pour la première fois, beaucoup avaient cru à l'irruption du Nouveau dans l'espace public et la pratique présidentielle. Or on a du Vieux, sans l'élégance du conservatisme éclairé dans la démarche.

Cécilia avait raison
Hors de question, évidemment, d'énoncer des critiques vulgaires sur le physique du président de la République. Tout le monde ne peut pas être Dominique de Villepin, et l'esthétique n'a jamais garanti l'excellence. Il y a tout de même une certaine manière de présenter ce que l'on est, une façon d'accommoder ce que la nature a fait de nous qui peuvent nous conduire vers l'allure, quelle que soit notre apparence, ou vers la vulgarité, quelle que soit la bimbeloterie dont on se couvre.
Regardons une seconde, dans la double page que Paris Match consacre aux invités de Carla Bruni pour l'anniversaire du président, la photo de celui-ci en jean et lunettes noires. Il veut «faire décontracté», mais Cécilia a eu raison de souligner qu'il «ne fait pas président». Quelque chose en lui et sur lui vient sans cesse nous rappeler que la fonction ne le rehausse pas, parce qu'il refuse d'habiter la fonction. Et parce qu'il est obligé d'emprunter des chemins dérivés et peu dignes pour se -et nous- donner l'illusion d'une rupture. Quand, tout simplement, le beau et respectable classicisme lui est interdit.
Il reçoit trois intellectuels à l'Elysée – Jean-Claude Casanova, Marcel Gauchet et Alain Finkielkraut – et il fait son «show», selon l'un d'eux. Sympathique, chaleureux, il ne les laisse pas aller au bout de leur questionnement. Cela dure une heure et demie. On apprend aussi que le 19 décembre, alors que François Fillon veut s'entretenir avec lui des déficits publics, il est convié à déjeuner mais se retrouve au Bristol en compagnie de Rachida Dati, de Julio Iglésias, de Didier Barbelivien, de l'ancien premier Ministre espagnol Aznar et du président. Idéal pour évoquer les déficits publics ! Quelle étrange et choquante démarche qui détourne un vote en faveur d'une politique et d'un homme en une sorte de mélange très peu républicain où la chose publique est mêlée au divertissement, où l'ami chanteur vient côtoyer notre premier Ministre, où la futilité et l'amusement laissent peu de place à la mission !

Un amateurisme virevoltant
Nicolas Sarkozy, qui fait de la politique depuis très longtemps – sa saga ne cesse de nous le rappeler, mais apparemment il ne lui suffit pas de claquer des doigts pour que ses candidats parachutés bénéficient de la même chance… La démocratie est embêtante qui exige d'autres justifications ! – donne pourtant l'impression non pas d'un professionnalisme remarquable, mais d'un amateurisme virevoltant, d'une désinvolture qui a tellement peur de s'ennuyer qu'elle fait de la charge suprême un dérivatif comme un autre.
Ceux qui analysent cette dérive et affirment, comme Ali Magoudi, que Nicolas Sarkozy invente une nouvelle forme de présidence, se trompent à mon sens. Je ne ressens pas, derrière ces péripéties ostensibles, privées et publiques, nationales et internationales, la manifestation d'un dessein, la mise en œuvre d'une théorie, l'incarnation d'un projet. J'y vois l'expansion d'un être qui fait tout ce qu'il peut pour échapper à la part sombre, morose, crépusculaire, lucide de son être profond. Il n'a pas décidé une nouvelle présidence. Celle-ci, au mieux, surgit du désordonné qu'il offre, et au pire n'est qu'une synthèse médiocre entre ses appétits et ses devoirs. Nicolas Sarkozy se met en scène et en politique.
A la fin du quinquennat, comme il est de règle, portant un regard rétrospectif, on fera d'une surprenante équipée un destin.
  
Source: Marianne | Frédéric Moreau

Publié dans Action gouvernementale

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