D. de Villepin : "Le chef de l'Etat doit faire preuve non de banane mais de sagesse"
Il faut à l'évidence agir. Peu importe que ce soit sous forme de loi, de décret ou de convention. L'essentiel est de dire qu'on ne peut pas faire confiance aux seuls mécanismes du marché. Il faut corriger une certaine forme de voracité des mieux placés vis-à-vis des indemnités de départ et des stock-options. Faute de quoi nous irons vers de graves problèmes sociaux. Il ne faut pas agir sous le simple coup de l'émotion, mais partir de deux principes : s'il y a rémunération complémentaire, elle doit être assise sur d'autres facteurs plus rationnels que les cours de Bourse. Par exemple, la création d'emplois, un comportement vertueux sur le plan environnemental. Il faut en outre que cette possibilité soit offerte à l'ensemble des salariés. En Allemagne, le syndicat IG Metal se bat pour que les salariés puissent devenir actionnaires de leur entreprise en contrepartie des efforts qu'on leur demande. Cela fait partie des idées nouvelles à explorer.
Vous êtes l'inventeur du bouclier fiscal. Faut-il aujourd'hui y renoncer au nom de la justice sociale ?
La période impose un effort de solidarité. Lorsque j'ai créé le bouclier fiscal, son taux était de 60 % (un contribuable était assuré de ne pas payer en impôts plus de 60 % du montant de ses revenus). Nicolas Sarkozy a fait descendre la barre effective à 39 % en ramenant le taux du bouclier à 50 % et en y incluant la CSG et la CDRS. Aujourd'hui, il serait bon de ramener le bouclier fiscal à ce qu'il était précédemment. Le consensus social est relativement faible dans notre pays. Si nous voulons éviter la montée de la colère, il faut en rajouter dans le sens de la justice sociale.
Nicolas Sarkozy s'expose-t-il trop dans cette crise ?
Mais, l'autre jour, le président de la République a dit : "J'ai la banane."
Le chef de l'Etat doit faire preuve non de banane mais de sagesse. On n'attend pas de lui qu'il soit survitaminé, mais qu'il soit sage. Aujourd'hui, on a le sentiment que le gouvernement et le président passent plus de temps à se parler et à se disputer qu'à répondre aux besoins des Français. Le discours de Saint-Quentin (prononcé mardi 24 mars par M. Sarkozy), c'était l'UMP parle à l'UMP. Quand c'est le président qui parle à l'UMP, il y a un problème de démocratie, de crédibilité de la parole politique.
Dominique Strauss-Kahn, directeur général du Fonds monétaire international, évoque une possible sortie de crise en 2010. Etes-vous d'accord avec cette prévision ?
On peut espérer que 2010 marquera une inflexion, mais cette crise est si profonde que ce n'est probablement qu'en 2011, au prix d'une mobilisation générale, qu'on pourra voir les premiers signes d'une amélioration. L'urgence est de régler la crise bancaire. Il faut ensuite remettre de l'argent sur la table pour recréer la confiance. Enfin, il faut parvenir à réguler le système. C'est le grand enjeu du G20
Que faut-il en attendre ?
La voix de la France peut-elle porter au G20 ?
Vous êtes inquiet ?
Source: Le Monde